SOMMEIL-RÊVE-ÉVEIL (CYCLE)

SOMMEIL-RÊVE-ÉVEIL (CYCLE)
SOMMEIL-RÊVE-ÉVEIL (CYCLE)

Le cerveau humain, comme celui de tous les Vertébrés supérieurs, subit l’alternance de trois états: éveil, sommeil, rêve. Au cours de l’éveil, le cerveau reçoit les informations du milieu extérieur ou intérieur, les intègre et les compare aux informations reçues antérieurement pour y répondre de façon adaptée selon des mécanismes innés ou acquis. C’est également au cours de l’éveil que les différents instincts qui permettent la survie de l’individu et de l’espèce opèrent selon des schèmes innés. L’éveil est suivi par le sommeil, dont l’apparition impérieuse a pu être comparée à un instinct (E. Claparède). Au cours du sommeil, les diverses fonctions et régulations végétatives sont conservées. Les opérations les plus complexes de l’activité nerveuse supérieure sont supprimées; il n’est pas possible d’apprendre en dormant: il n’existe aucune preuve d’apprentissage au cours du sommeil (hypnopédie) réalisé dans des conditions expérimentales rigoureuses (contrôle électroencéphalographique). Cependant, certains mécanismes de la vie de relation persistent encore grâce auxquels le dormeur peut s’éveiller lors de l’apparition de signaux signifiants: le bruit d’une souris réveille immédiatement le chat, et l’arrêt du moulin réveille le meunier. La persistance de ces possibilités d’intégration au cours du sommeil différencie celui-ci du coma ou de la narcose. Au cours du sommeil apparaît périodiquement un troisième état: le rêve, qui se distingue complètement du sommeil par ses aspects phénoménologiques actuellement bien connus. Éveil, sommeil et rêve sont liés entre eux de façon dialectique. La prolongation de l’éveil entraîne en effet une augmentation de la durée du sommeil «réparateur» et du rêve. Il doit donc exister des mécanismes de régulation au long cours qui rendent possible la succession harmonieuse de ces trois états.

L’étude des mécanismes du cycle sommeil-rêve-éveil est loin d’être achevée. Elle bénéficia, au début, des enseignements de la neurologie et de la neuropathologie grâce à la description des lésions des encéphalites qui entraînaient des comas ou des insomnies. La neurophysiologie, en procédant à des lésions limitées de l’encéphale grâce aux techniques stéréotaxiques, permit ensuite de réaliser des comas expérimentaux chez l’animal. L’électrophysiologie, en fournissant un critère électrique cérébral aux descriptions cliniques, ouvrit une aire de recherche très féconde. Ainsi furent délimitées de façon relativement précise les structures nerveuses responsables de l’éveil, du sommeil et du rêve. Cependant, l’électrophysiologie, qui explique la plupart des phénomènes de transmission et d’intégration nerveuse par des potentiels synaptiques dont la durée est de l’ordre de la milliseconde, est désarmée devant les phénomènes au long cours comme l’alternance entre l’éveil et le sommeil. Comment expliquer en termes de potentiel synaptique le «rebond» de sommeil ou de rêve qui peut parfois durer plusieurs jours après leur suppression? D’autres mécanismes doivent donc être invoqués, telles d’hypothétiques inductions enzymatiques au niveau de certaines chaînes de neurotransmetteurs, ou d’hypothétiques altérations de la sensibilité des récepteurs. Ces explications appartiennent au domaine de la neurophysiologie dite humide, celle des neurotransmetteurs. Ainsi, grâce aux progrès de la biochimie, une nouvelle discipline, la neurochimie, est venue au secours de l’électrophysiologie en précisant les étapes enzymatiques de la biosynthèse de certains neurotransmetteurs centraux comme l’acétylcholine, la sérotonine ou les catécholamines. Ces recherches permirent de mieux comprendre l’action centrale de certaines drogues: la neuropharmacologie pouvait alors devenir un outil d’investigation très utile dans le domaine de la régulation des états de vigilance. Plus récemment, enfin, l’histochimie a comblé le fossé existant entre les données de la neurophysiologie classique, qui avaient permis de délimiter les régions de l’encéphale importantes pour le déclenchement du sommeil et de l’éveil, et la neurochimie ou la neuropharmacologie qui avaient précisé les structures chimiques impliquées dans ces états. L’étape où l’on abordera les régulations de la vigilance au niveau moléculaire n’est pas loin. C’est elle seule qui élucidera, en pénétrant dans l’intimité des cellules nerveuses, les fonctions encore presque totalement inconnues du sommeil et du rêve.

1. Aspect phénoménologique

Chez le chat

La figure 1 représente les signes polygraphiques cardinaux qui permettent de délimiter les frontières de l’éveil, du sommeil et du rêve (cf. NARCOSE, fig. 1). Le critère le plus fidèle de l’éveil est la présence, au niveau du cortex, d’une activité électrique rapide et de bas voltage: c’est la réaction d’éveil (ou arousal reaction ). La plupart des structures sous-corticales (thalamus, tronc cérébral) présentent aussi une activité rapide, sauf l’hippocampe où l’on recueille une activité plus lente: rythme thêta à 5 ou 6 c/s (cycles par seconde).

Le comportement de sommeil d’un animal se reconnaît aisément grâce à sa posture, puisque celle-ci est acquise. Il existe donc toujours un certain tonus musculaire qui se traduit par la persistance d’une activité électromyographique au niveau des muscles de la nuque. Les signes oculaires tels que le myosis et la relaxation des paupières nictitantes constituent également des signes très fidèles de sommeil. Au point de vue électroencéphalographique, l’endormissement se caractérise par un ralentissement de l’activité électrique cérébrale avec apparition de «fuseaux» à 16 c/s, suivis d’ondes lentes de haut voltage à 2 ou 3 c/s. C’est à cause de cette activité lente que l’on donne parfois le nom de sommeil lent au sommeil proprement dit (ou sommeil orthodoxe). Le seuil d’éveil, testé par des stimulations acoustiques par exemple, tend à augmenter au fur et à mesure que le ralentissement de l’activité électrique cérébrale devient plus important.

Périodiquement, toutes les 25 à 30 minutes, le sommeil lent est interrompu par un autre état, appelé sommeil paradoxal , dont la durée moyenne est de 6 minutes. Deux signes principaux permettent de reconnaître le sommeil paradoxal: atonie totale, particulièrement visible si l’animal dort en position de sphinx (la tête se fléchit jusqu’à toucher le sol), et mouvements oculaires rapides, horizontaux ou verticaux, accompagnés de myosis très serré. Il existe encore de petits mouvements rapides des oreilles et des vibrisses, tandis que la respiration devient irrégulière. Les index polygraphiques cardinaux, qui permettent de reconnaître de façon certaine l’apparition du sommeil paradoxal chez tous les Mammifères, peuvent être distingués en phénomènes toniques et phasiques.

Les phénomènes toniques sont caractérisés par une activité corticale rapide, similaire à celle de l’éveil (d’où le nom de sommeil paradoxal ou encore de sommeil rapide donné à cet état), et par une abolition totale du tonus musculaire qui se traduit par la disparition complète de l’activité musculaire électrique au niveau des muscles de la nuque.

Les signes phasiques consistent dans l’apparition d’une activité particulière de haut voltage sous forme de pointes au niveau du pont, des noyaux genouillés latéraux (relais thalamique des voies visuelles) et du cortex occipital, d’où le nom d’activité P.G.O. Cette activité P.G.O. est peut-être la cause des mouvements oculaires rapides que l’on enregistre facilement grâce à l’électro-oculographie.

Le sommeil paradoxal est un «sommeil» plus profond que le sommeil lent, car le seuil d’éveil s’élève nettement par rapport au stade le plus profond de ce dernier.

Les trois états s’organisent de façon périodique sous forme de cycles circadiens pour l’alternance veille-sommeil et de cycles ultradiens pour l’alternance entre le sommeil lent et le sommeil paradoxal. La proportion des différents états apparaît caractéristique de chaque espèce. Chez le chat, l’éveil et le sommeil occupent respectivement 40 et 60 p. 100 du nycthémère. Le sommeil paradoxal constitue 30 p. 100 de la durée totale du sommeil.

Chez l’homme

Chez l’homme, du fait de la complexité plus grande de l’organisation du télencéphale, les aspects électroencéphalographiques du sommeil diffèrent notablement de ceux du chat. On distingue ainsi quatre stades au cours du sommeil (fig. 2). Le stade I (descending stage one ) correspond à l’endormissement; il ne dure que quelques minutes et se traduit par la disparition du rythme alpha de l’éveil et par une certaine accélération de l’activité électrique. Le stade II associe quelques fuseaux à un rythme thêta. Le stade III est représenté par l’association de fuseaux et d’ondes delta à 2-3 c/s. Le stade IV s’objective par la succession d’ondes lentes delta de haut voltage.

Le sommeil paradoxal, ou l’activité onirique, se caractérise, comme chez l’animal, par un ensemble de signes toniques et phasiques. L’atonie musculaire, difficile à apprécier chez un sujet couché sur le dos, s’objective facilement sur un enregistrement polygraphique par l’abolition totale de l’activité électromyographique recueillie au niveau des muscles de la houppe du menton. Les signes phasiques consistent en des mouvements oculaires rapides dont la vitesse et les modalités d’apparition sont très différentes de celles qui sont observées au cours de l’éveil. Pendant toute la durée de la vie, du nourrisson au vieillard, les périodes de sommeil paradoxal s’accompagnent toujours d’érection. Celle-ci serait une caractéristique de l’homme, car on la rencontre rarement chez les autres espèces animales pendant les périodes de sommeil paradoxal.

Au point de vue électroencéphalographique, l’activité cérébrale du sommeil paradoxal redevient rapide et ressemble un peu au stade I du sommeil, d’où le nom: emergent stage one , qui a été donné au sommeil paradoxal par certaines écoles américaines. Quelques particularités électriques, telles que la présence d’ondes en «dents de scie» au niveau du vertex, permettent cependant de différencier le sommeil paradoxal du stade I. Chez l’homme, comme chez le chat, le sommeil paradoxal correspond à un stade de sommeil profond, car des stimulations très fortes sont nécessaires pour réveiller un dormeur. L’organisation du cycle sommeil-rêve, chez l’adulte, est représentée sur la figure 3.

Un sujet qui s’endort va franchir ainsi successivement les stades I, II, III et IV pendant les 90 premières minutes. La première phase de sommeil paradoxal apparaît alors et dure environ 15 minutes (le sommeil paradoxal peut apparaître dès l’endormissement dans des conditions pathologiques: narcolepsie). Elle marque l’achèvement d’un premier cycle de sommeil. Ensuite survient un deuxième cycle qui dure 90 minutes environ et se termine par une nouvelle phase de sommeil paradoxal de 15 à 20 minutes. Au cours d’une nuit, quatre ou cinq cycles de sommeil et de rêve se succèdent. Le sommeil paradoxal constitue 20 p. 100 de la durée totale du sommeil, soit environ 100 minutes. Ce pourcentage de 20 p. 100 est relativement fixe chez l’homme adulte, puisque l’on admet que des pourcentages de sommeil paradoxal au-dessous de 15 p. 100 ou supérieur à 25 p. 100 peuvent être considérés comme anormaux.

L’assimilation du sommeil paradoxal à l’activité onirique est due aux travaux de l’école de Chicago avec E. Aserinski, N. Kleitman et W. C. Dement (1954-1957). Le réveil de sujets au cours du sommeil paradoxal entraîne des souvenirs de rêve très précis dans plus de 80 p. 100 des cas, tandis que des sujets qui sont réveillés en dehors du sommeil paradoxal se souviennent rarement d’avoir rêvé.

2. Aspect développemental

Avant d’étudier le résultat des interventions souvent destructrices du neurophysiologiste dans sa recherche des mécanismes du cycle éveil-sommeil, il convient de rassembler la moisson de données que nous apporte l’évolution dans sa construction des différents modèles de système nerveux au cours de l’ontogenèse et de la phylogenèse.

Ontogenèse du cycle sommeil-rêve-éveil

L’observation attentive de chatons qui viennent de naître permet de reconnaître aisément deux états de comportement. Les chatons éveillés s’avancent en rampant vers les mamelles de leur mère et commencent à téter. Au bout d’une vingtaine de minutes, de petits mouvements cloniques succèdent aux mouvements toniques de l’éveil. Il apparaît alors une danse des petits muscles du corps, tandis que les mouvements de succion ralentissent sans disparaître totalement. On observe également de petites secousses des oreilles, de la queue et des globes oculaires sous les paupières qui sont encore closes, les chatons étant aveugles à la naissance. Des enregistrements polygraphiques ont révélé que ce deuxième état correspond au sommeil paradoxal. Les premiers jours après la naissance, il n’existe pas encore de sommeil calme qui correspondra plus tard au sommeil lent. Ainsi, après la naissance, le sommeil paradoxal constitue une partie importante de la vie d’un chaton et semble précéder l’apparition du sommeil lent (fig. 4).

On peut alors se demander si la prédominance du sommeil paradoxal est due aux seuls phénomènes périnataux ou à l’immaturité du système nerveux central. Pour répondre à cette question, l’étude de l’évolution des états de vigilance a été menée sur des espèces différant par leur degré de maturité: le raton, dont le système nerveux central est encore moins développé que celui du chaton, et le cobaye, dont la maturation cérébrale est presque totalement achevée (fig. 4). Ces études ont révélé que la prédominance du sommeil paradoxal était due à l’immaturité du système nerveux central. Ainsi, chez le raton nouveau-né, l’augmentation du sommeil paradoxal est considérable (jusqu’à 80 p. 100 du nycthémère), tandis que le cobaye nouveau-né présente des taux de sommeil paradoxal qui ne dépassent pas 10 p. 100 du nycthémère. L’augmentation du sommeil paradoxal est donc en relation avec la maturation du cerveau. Cet état de «sommeil» pourrait donc jouer un rôle important dans les phénomènes de maturation du système nerveux central prénatal ou postnatal. Il est en effet possible de reconnaître in utero l’alternance entre éveil et sommeil paradoxal chez des cobayes ou chez des agneaux.

Phylogenèse des états de vigilance

Selon Haeckel, l’ontogenèse serait une récapitulation rapide de la phylogenèse. On aurait donc dû s’attendre, en remontant les étapes de la phylogenèse, à voir augmenter en proportion le sommeil paradoxal et diminuer le sommeil lent. En fait, les résultats ont été totalement différents. Aucun critère comportemental ou polygraphique ne permet en effet de mettre en évidence le sommeil paradoxal chez les Poissons ou les Reptiles (iguane, python, tortue), alors que l’alternance entre la veille et le sommeil est évidente. Cette alternance serait apparue avec les Oiseaux, chez qui des périodes brèves mais indiscutables de sommeil paradoxal ont pu être mises en évidence. Celles-ci ne constituent cependant qu’une partie minime du sommeil (de 3 à 5 p. 100). Chez tous les Mammifères (de la souris à l’éléphant) qui ont été étudiés jusque-là, l’alternance entre sommeil lent et sommeil paradoxal a été vérifiée par des méthodes polygraphiques. Il existe, cependant, des variations notables entre les différentes espèces. Par exemple, le sommeil des Cétacés possède des caractéristiques très particulières. Chez le dauphin, en effet, la respiration est volontaire (un dauphin anesthésié meurt). Le dauphin ou le dugong doivent donc concilier deux objectifs contradictoires: ou bien rester éveillés constamment pour respirer, ou bien dormir et mourir noyés. L’évolution a résolu ce problème de façon très élégante. Le dauphin dort alternativement pendant vingt minutes avec un seul hémisphère cérébral, l’autre hémisphère restant éveillé et contrôlant les centres respiratoires bulbaires. On peut donc enregistrer des ondes lentes sur un seul hémisphère, alors qu’il existe une activité rapide sur l’autre.

Il est possible que certains Oiseaux migrateurs qui restent en vol pendant plusieurs jours ne dorment également que d’un œil (et d’un hémisphère).

Tels sont les aspects polygraphiques principaux du cycle sommeil-rêve-éveil. De nouvelles techniques telles que l’enregistrement de l’activité unitaire par des micro-électrodes, l’étude des potentiels stables et des réponses évoquées ont permis de préciser plus en détail les caractéristiques phénoménologiques de ces états sans apporter d’enseignements décisifs sur leurs mécanismes. Ainsi, il faut surtout retenir à l’actif de l’électrophysiologie la délimitation et la possibilité de quantifier avec précision l’éveil, le sommeil et le rêve sur des bases objectives. Éveil et sommeil sont donc devenus des variables dépendantes susceptibles d’être mises en corrélation avec des lésions ou des manipulations physiologiques pharmacologiques ou biochimiques, étape indispensable pour l’étude de leurs mécanismes.

3. Structures et mécanismes responsables de l’éveil

Étapes cliniques et anatomophysiologiques

Au cours de l’épidémie d’encéphalite qui envahit l’Autriche après la Grande Guerre en 1918 (la grippe espagnole), certains malades restaient dans un état de léthargie ou de coma, tandis que d’autres ne dormaient pas pendant plusieurs jours avant de mourir. L’examen de leur cerveau permit à un neurologue viennois, d’origine grecque, Constantin von Economo, de décrire des lésions à des endroits différents selon l’allure clinique de la maladie. Les malades qui restaient comateux présentaient une lésion de l’hypothalamus postérieur ou de la partie haute du mésencéphale, tandis que le cerveau des malades insomniaques présentaient des lésions au niveau de l’hypothalamus antérieur (région préoptique). Von Economo donna le nom de Wachzentrum (centre de l’éveil) à la région de l’hypothalamus postérieur et de Schlafzentrum (centre du sommeil) à la région de l’hypothalamus antérieur. Ainsi, grâce à un neurologue de génie, confronté au hasard des expériences de la nature (une épidémie), l’attention fut attirée pour la première fois sur le rôle du tronc cérébral et de l’hypothalamus dans le contrôle de la veille et du sommeil.

Avant l’apparition de l’électroencéphalogramme, S. W. Ranson et ses élèves démontrèrent que des lésions situées au niveau de l’hypothalamus pouvaient provoquer un coma chez le chat ou le singe, tandis que des lésions de contrôle situées plus dorsalement au niveau du thalamus n’entraînaient pas de modifications de la vigilance. Le système d’éveil fut alors situé au niveau de l’hypothalamus et le sommeil ou le coma furent expliqués par l’élimination de décharges activatrices descendantes venant de l’hypothalamus.

À cette époque, il était encore impossible, en effet, d’étudier les décharges ascendantes corticipètes. La découverte des critères électroencéphalographiques de l’éveil (arousal reaction ) constitua ensuite une étape majeure pour la délimitation du système d’éveil puisque, en plus du comportement, les physiologistes pouvaient étudier l’activité électrique cérébrale. En 1936, F. Bremer démontra qu’une section totale du tronc cérébral entre le bulbe et la moelle épinière (préparation encéphale isolé) n’entraîne pas de changement important du tracé électrique cortical, qui continue à présenter les modulations caractéristiques de l’éveil et du sommeil lent. En revanche, après section du tronc cérébral au milieu des tubercules quadrijumeaux (préparation cerveau isolé), il existe en permanence une activité corticale lente, similaire à celle du sommeil (fig. 5). L’interprétation de Bremer fut alors la suivante: l’éveil doit être dû à un bombardement continu du cortex par des influx venant du milieu extérieur et ascendants par les voies afférentes spécifiques, par exemple les lemniscus médian et latéral pour les influx somesthésiques de la face ou les signaux acoustiques. L’élimination de ces influx ascendants par une section totale du tronc supprimerait l’activation du cortex et l’éveil de celui-ci.

En 1949, H. W. Magoun et G. Moruzzi montrèrent que l’on pouvait supprimer l’éveil et provoquer un comportement de coma accompagné d’un tracé cortical identique à celui du sommeil, non pas en sectionnant les voies spécifiques afférentes au niveau du mésencéphale, mais seulement en faisant des lésions au niveau de la formation réticulée mésencéphalique. Des travaux ultérieurs établirent que, chez un animal endormi, la stimulation de cette région était capable d’entraîner un état d’éveil comportemental et cortical. Ainsi se trouva délimité le système réticulé activateur ascendant (S.R.A.A.).

L’apparition en 1983 d’une nouvelle méthode permettant de ne léser que les corps cellulaires sans endommager les voies nerveuses a sonné le glas de la théorie réticulaire. L’injection in situ d’acide kaïnique ou iboténique dans le tronc cérébral entraîne en effet une dépolarisation intense des corps cellulaires (hyperexcitation) qui provoque leur mort après quelques heures, tandis que les axones de passage demeurent intacts. Dans ce contexte, la destruction totale des corps cellulaires de la formation réticulée mésencéphalique par micro-injection d’acide kaïnique ou iboténique n’entraînait aucun trouble de l’éveil comportemental, ni aucune altération de l’activation corticale. Il fallut donc bien convenir que le coma qui faisait suite à la destruction par coagulation de la formation réticulée mésencéphalique était dû à l’interruption de voies ascendantes ou descendantes d’autres systèmes ou réseaux responsables de l’éveil.

Étape neurochimique

Le développement des nouvelles techniques neuro-anatomiques, l’histofluorescence et surtout l’immunohistochimie, a permis de délimiter de nouveaux systèmes utilisant des neurotransmetteurs différents. Au début de la théorie réticulaire, seule l’acétylcholine était connue comme neurotransmetteur cérébral. En 1964 apparurent les systèmes monoaminergiques (fig. 6) mettant en jeu noradrénaline, adrénaline, dopamine et sérotonine. Le système à histamine fut ensuite découvert, ainsi que de nouveaux systèmes cholinergiques. Enfin, des systèmes fonctionnant avec des acides aminés excitateurs (glutamate, aspartate) ou inhibiteurs (glycine, GABA) furent décrits en même temps qu’étaient découverts de nombreux systèmes de neurones peptidergiques. Certains systèmes peuvent même contenir et libérer plusieurs neurotransmetteurs. On admet actuellement qu’il existe une centaine de différents neurotransmetteurs ou neuromodulateurs. On conçoit donc qu’il soit devenu difficile de comprendre le fonctionnement de tels systèmes (tabl. 1).

En associant la neuro-anatomie, l’électrophysiologie, la neuropharmacologie, la biochimie, il est cependant possible de distinguer la participation active d’un système donné aux mécanismes exécutifs de l’éveil.

Dans le cas du système noradrénergique dont la partie principale est issue de groupes cellulaires situés dans le pont, au niveau du locus coeruleus , il est démontré que l’activité de ces neurones augmente pendant l’éveil et diminue pendant le sommeil. Leur excitation, par des acides aminés excitateurs par exemple, augmente l’éveil, alors que le blocage de la libération de noradrénaline ou des récepteurs noradrénergiques peut diminuer l’éveil attentif. Enfin, la lésion spécifique du locus coeruleus par des poisons sélectifs entraîne des troubles de l’éveil temporaires. D’autres démarches utilisent la neuropharmacologie. Il est bien connu que l’amphétamine entraîne un éveil avec agitation, or l’inhibition de la synthèse des catécholamines (dopamine-noradrénaline) supprime complètement l’éveil amphétaminique. Or les amphétamines agissent surtout en libérant de la dopamine de certains systèmes dopaminergiques (car il est devenu possible de déterminer la libération in situ et in vivo de dopamine grâce à de nouvelles techniques comme la voltamétrie). De nouvelles molécules (comme le Modafinil) entraîne un éveil sans agitation, même si la synthèse des catécholamines est inhibée. Contrairement aux amphétamines, le Modafinil n’entraîne ni tolérance (qui oblige à augmenter les doses), ni dépendance. On admet que le Modafinil agit de façon postsynaptique sur les récepteurs 見 adrénergiques centraux.

Récemment découvert, le système à histamine est considéré comme l’un des systèmes les plus importants de l’éveil. Les corps cellulaires à histamine sont tous situés dans l’hypothalamus postérieur (H.P.), et ils se projettent dans tout le cerveau (en particulier au niveau des autres systèmes d’éveil). On peut démontrer le rôle éveillant du système à histamine, soit en enregistrant les corps cellulaires pendant le cycle éveil-sommeil, soit en inactivant les corps cellulaires par injection in situ d’agonistes des récepteurs H3.

L’ensemble de ces expériences a démontré que les systèmes d’éveil étaient disposés en réseaux, c’est-à-dire que l’excitation pharmacologique de l’un est suivie par l’activation de tous. Cette organisation en réseau redondante explique également pourquoi l’inactivation d’un seul système est suivie après quelques jours par une récupération quasi complète de l’éveil. Il existe cependant, à certains «nœuds» de ces réseaux, des endroits stratégiques dont l’inactivation peut inhiber tout le réseau.

La désynchronisation ou activation tonique des neurones peut être considérée comme la conséquence, d’une part, de l’activation directe du télédiencéphale et, d’autre part, du blocage des «pacemakers» produisant les fuseaux et les ondes lentes caractéristiques du sommeil lent (voir plus loin).

On admet actuellement que la prise de conscience au cours de l’éveil dépend, ou est accompagnée, d’un rythme rapide à 40 hertz dont le ou les générateurs corticaux font encore l’objet de discussion.

Le réseau exécutif de l’éveil comporte les trois éléments principaux qui suivent (fig. 7).

Le système diffus de l’hypothalamus postérieur . Un des maillons de ce système contient le seul groupe de péricaryons synthétisant l’histamine (H) [noyau tubéro-mamillaire]. Ces neurones présentent une activité tonique d’éveil, de fréquence lente, diminuant au cours du sommeil. La pharmacologie de l’histamine soutient son rôle important dans l’activation corticale. D’autres neurones non histaminergiques (NH), dont la spécificité histochimique est encore inconnue, sont actifs pendant l’éveil et le sommeil paradoxal. La stimulation électrique de l’hypothalamus postérieur déclenche un éveil hyperactif avec des comportements d’agression. Sa lésion électrolytique entraîne un coma prolongé avec des ondes lentes corticales, alors que cet effet n’est que transitoire après la lésion neurotoxique.

Le système diffus thalamique . Les neurones thalamiques intralaminaires se projettent à l’ensemble du cortex. Un de leurs neurotransmetteurs est un acide aminé excitateur (aspartate/glutamate, Asp/Glu).

Le système du télencéphale basal dont le maillon principal est constitué de neurones synthétisant l’Ach et/ou le GABA. Ces neurones envoient des projections à tout le cortex et aux noyaux thalamiques. Leur stimulation est éveillante, mais leur lésion neurotoxique n’entraîne qu’une diminution très transitoire de l’éveil. Ce système serait lésé par des processus dégénératifs dans la maladie d’Alzheimer, c’est pourquoi des médicaments retardant l’inactivation de l’acétylcholine (en inhibant l’acétylcholinestérase) ont été proposés comme traitement de cette maladie.

Plusieurs systèmes activateurs des précédents existent dans le tronc cérébral:

– Les noyaux mésopontins cholinergiques , dont les neurones se projettent en partie sur le thalamus. L’acétylcholine exerce une double action: une action muscarinique inhibitrice par hyperpolarisation des neurones réticulaires (appartenant au système du sommeil, cf. infra ) et une action nicotinique activatrice par dépolarisation des neurones thalamocorticaux et corticaux.

– La formation réticulée mésencéphalique (FRM) [neurones Asp/Glu] se projette massivement sur les noyaux thalamiques. La stimulation de ces neurones déclenche un éveil prolongé. Avec les neurones cholinergiques mésopontins, la F.R.M. forme la voie réticulo-thalamo-corticale. Ainsi, la formation réticulée (l’ancien système d’éveil) est devenue une partie du réseau de l’éveil.

– Le noyau réticulé bulbaire magnocellulaire (M.C.), dont les neurones sont cholinergiques ou Asp/Glu-ergiques, se projette sur la formation réticulée mésencéphalique, l’hypothalamus postérieur et les groupes cholinergiques mésopontins et du télencéphale basal. Cet ensemble forme la voie réticulo-hypothalamo-corticale. La stimulation du noyau magno-cellulaire provoque un éveil intense et prolongé.

– Le noyau «locus coeruleus» pontique , qui contient des neurones noradrénergiques (N.A.) envoyant des projections directes vers le cortex, le thalamus et l’hippocampe. Ces neurones sont actifs au cours de l’éveil. L’inhibition de la synthèse de la N.A. entraîne une synchronisation corticale. Ces neurones reçoivent de nombreuses afférences activatrices et inhibitrices, confirmant leur rôle modulateur de l’éveil.

– Le raphé antérieur , qui contient des neurones produisant la 5-hydroxytryptamine (5HT) ou sérotonine, et qui se projette vers l’hypothalamus et le cortex. Ces neurones sont actifs pendant l’éveil. Leur stimulation globale est éveillante, et, contrairement aux autres groupes aminergiques, leur lésion non seulement n’entraîne pas de somnolence, même passagère, mais provoque une insomnie prolongée de plusieurs jours. Cette contradiction sera expliquée ultérieurement.

L’ensemble de ces structures du tronc cérébral reçoit des collatérales des afférences sensorielles et végétatives qui participent ainsi au maintien de leur activité.

On doit ajouter également à ces réseaux ascendants qui contribuent à l’éveil cortical (donc à la «conscience», à la mémoire et aux différents processus cognitifs) deux autres systèmes qui jouent un rôle majeur dans la régulation de la motricité et du tonus sympathique. Le premier est le système dopaminergique nigrostriatal, unissant la substantia nigra et le striatum (noyau caudé-putamen). Le second système est situé au niveau du bulbe et commande le système sympathique: il contient de l’adrénaline et un peptide (NPY). Il est responsable de l’adaptation des réactions végétatives indispensables à l’éveil.

Signalons le rôle «modulateur» de nombreux systèmes peptidergiques qui peuvent faciliter l’intensité de l’éveil. Parmi les plus importants, il faut signaler le corticotrophin releasing factor (C.R.F.) et le système central à arginine vaso-pressine. Il faut aussi signaler que l’«éveil cortical» peut être étudié selon un aspect quantitatif et topographique: l’électroencéphalographie quantitative (analyse de fréquence, intégration de la puissance spectrale) et la magnétoencéphalographie permettent, en effet, de dessiner des cartes fonctionnelles du cortex cérébral en rapport possible avec des processus cognitifs, selon l’intensité des rythmes rapides. On ne connaît pas encore le rôle des différents réseaux de l’éveil sur les processus cognitifs dont l’activation corticale est une condition nécessaire mais non suffisante. Il convient, enfin, d’insister sur le rôle important qui est joué par l’hippocampe dans les processus de mémorisation. L’activation de l’hippocampe par les réseaux de l’éveil se traduit par une activité régulière à 6-8 hertz (rythme thêta).

En résumé, la régulation de l’éveil est un phénomène complexe qui met en jeu des structures multiples et redondantes. Aucune des structures décrites, prise isolément, n’est indispensable à l’activation corticale, de même que la lésion neuronale combinée des deux structures principales (formation réticulée et hypothalamus postérieur). On peut donc dire que la condition nécessaire et suffisante de l’induction et du maintien de l’éveil est l’ensemble des conditions suffisantes qui mènent à l’éveil.

4. Structures et mécanismes responsables du sommeil orthodoxe (ou sommeil lent)

Du sommeil passif au sommeil actif

La découverte du «système d’éveil» au niveau de la formation réticulée mésencéphalique (et la théorie réticulaire triomphante) éliminait au début toute théorie active du sommeil. Celui-ci était expliqué, en vertu du «principe d’économie», par une «non-activation passive» du système d’éveil selon des processus ad hoc de «désactivation en avalanche». La découverte du sommeil paradoxal obligeait cependant à admettre qu’il existait des processus actifs responsables du sommeil, et la démonstration d’insomnie par lésion du système du raphé devait faire abandonner l’hypothèse d’un sommeil passif.

La théorie sérotoninergique du sommeil (du neurotransmetteur synchronique hypnogène au processus homéostasique diachronique)

La destruction du système du raphé, qui contient la majorité des neurones à 5HT, est suivie d’une insomnie totale de longue durée (10-15 jours) chez l’animal. Cette insomnie est corrélée avec la diminution de la 5HT cérébrale (due à la dégénérescence des voies sérotoninergiques). En outre, l’inhibition de la synthèse de la 5HT, grâce à la p-chlorophénylalanine qui inhibe la tryptophane hydroxylase (première étape de la synthèse de la 5HT), entraîne également une insomnie et une diminution de la sérotonine cérébrale. Cependant, une injection secondaire de 5-hydroxytryptophane (le précurseur immédiat de la 5HT) peut restaurer, après une latence d’environ une heure, plusieurs heures de sommeil normal (alternance de sommeil lent et de sommeil paradoxal). Les expériences effectuées dans les années 1970 furent à la base de l’hypothèse sérotoninergique du sommeil, selon laquelle la 5HT était responsable du sommeil à ondes lentes (en inhibant le ou les systèmes d’éveil connus à cette époque).

Cependant (tabl. 1), on s’aperçut que l’activité unitaire des neurones à 5HT était maximale pendant l’éveil, et le développement de la voltamétrie permit de montrer que la libération de 5HT était plus importante pendant l’éveil que pendant le sommeil. Il était donc impossible que la libération de 5HT fusse responsable synchroniquement de l’apparition du sommeil, et la théorie sérotoninergique du sommeil fut alors abandonnée. Elle a ressuscité récemment sous une autre forme où la 5HT joue un rôle diachronique dans l’apparition du sommeil. D’une part, la cible «hypnogène» de la 5HT a été découverte. En effet, chez un animal insomniaque qui a été prétraité à la p-chlorophénylalanine, on savait que l’injection systémique ou intraventriculaire de 5HTP pouvait rétablir le sommeil, mais ces techniques ne permettaient pas de connaître le lieu exact où la 5HT nouvellement synthétisée pouvait rétablir le sommeil. Il fallut alors avoir recours à des micro-injections (de 0,5 à 0,1 猪l) de 5HTP dans toutes les structures cérébrales. Les résultats furent d’abord négatifs, jusqu’au jour où on s’aperçut que seule l’injection de 5HTP dans la région préoptique (le Schlafzentrum de von Economo) était suivie de la réapparition du sommeil. Il fut ensuite démontré que la lésion des corps cellulaires de cette région entraîne une insomnie de longue durée (plusieurs semaines). La région préoptique était-elle le Schlafzentrum ou un simple relais au niveau duquel la libération de 5HT pouvait entraîner le sommeil? Et par quel mécanisme?

Nous avons vu que les systèmes d’éveil sont organisés en réseaux. Il est évident que le sommeil ne peut apparaître que s’il existe quelque endroit stratégique ou carrefour situé au sein de ces réseaux, dont l’inhibition peut retentir sur tout le réseau. Il faut donc qu’un message parte de la région préoptique pour aller inhiber les réseaux de l’éveil. La recherche de ces carrefours s’effectua par micro-injection locale d’agonistes du GABA, le neurotransmetteur inhibiteur par excellence.

Pouvait-on encore court-circuiter l’étape hypnogène de la 5HT? En d’autres termes, peut-on, par micro-injection de muscimol (un puissant GABA agoniste), faire réapparaître le sommeil lent (et/ou le sommeil paradoxal) chez un animal rendu insomniaque, soit par lésion du raphé ou après injection de p-chlorophénylalanine (la piste 5HT), ou après lésion de la région préoptique (c’est-à-dire après suppression de la cible hypnogène)? Presque toutes les régions de l’encéphale ont à nouveau été explorées, et deux endroits stratégiques ont été découverts à ce jour. Le premier est situé dans la région de l’hypothalamus postérieur et le second dans la substance grise périaqueducale. L’injection de faibles doses de muscimol dans ces régions est capable en effet de restaurer de longues périodes de sommeil physiologique.

Les mécanismes de l’endormissement peuvent donc être schématisés comme indiqué dans la figure 8: l’éveil provoque sa propre inhibition selon une régulation de type homéostasique, et la chaîne d’événements conduisant au sommeil peut être résumée ainsi: pendant l’éveil, les neurones à 5HT du système du raphé rostral présentent des décharges régulières (de 1 à 2 hertz), comme une horloge. Tout se passe comme si ce système (qui innerve également l’horloge circadienne endogène, cf. infra ) mesurait la durée et l’intensité de l’éveil. La libération de 5HT au niveau de la région préoptique entraîne, selon un mécanisme d’intégration encore mal connu, la mise en jeu d’un système descendant qui, soit directement (voie GABAergique directe entre la région préoptique et l’hypothalamus postérieur), soit par l’intermédiaire d’interneurones à GABA, va inhiber le réseau exécutif de l’éveil en agissant au niveau des deux relais GABAceptifs de l’hypothalamus postérieur et de la substance grise périaqueducale. L’inhibition du réseau de l’éveil va alors libérer un système comparable à un pacemaker, situé au niveau du thalamus, qui est responsable des phénomènes électriques corticaux du sommeil lent et qui contribue à la perte de conscience du sommeil. Il existe également un autre système responsable de l’endormissement. Ce système, qui se projette au niveau de la région préoptique, est situé dans le bulbe au niveau du noyau du faisceau solitaire et reçoit des signaux du milieu intérieur transmis par les afférences vago-aortiques. La stimulation du nerf vague, ou l’injection in situ de sérotonine dans le noyau du faisceau solitaire, peut en effet provoquer le sommeil.

Le système exécutif du sommeil lent

Le sommeil lent est seulement défini par les deux critères contenus dans son appellation: l’immobilité et la présence de fuseaux et d’ondes lentes cérébrales. Celles-ci dépendent du noyau réticulaire du thalamus. Ce noyau peut être comparé à un pacemaker, car, lorsqu’il est isolé de toute afférence, son activité continue à osciller rythmiquement.

Les fuseaux de sommeil sont générés par le noyau réticulaire du thalamus, dont les neurones GABAergiques présentent des décharges de potentiels rythmées à la fréquence des fuseaux. Recevant ces potentiels, les neurones thalamocorticaux présentent des hyperpolarisations cycliques suivies de bouffées de potentiels qui, transmises aux cellules corticales, y génèrent les fuseaux. Les hyperpolarisations cycliques sont à l’origine du blocage des messages sensoriels au début de l’endormissement. Ainsi s’explique la perte de conscience du sommeil.

Les ondes lentes : cette «synchronisation» de l’activité électrique, enregistrée dans de nombreuses structures corticales et sous-corticales, est produite par le néo-cortex. En effet, la néo-décortication totale supprime cette activité lente. Les ondes lentes sont le résultat de la sommation des hyperpolarisations des cellules pyramidales de la couche V induites par des interneurones GABA. Ces hyperpolarisations de longue durée sont dues à un courant potassique sortant calcium dépendant. Ainsi, le sommeil à ondes lentes est le résultat, d’une part, de l’inhibition du réseau de l’éveil et, d’autre part, de la «désinhibition» du pacemaker thalamique dont l’activité rythmique empêche le cortex d’effectuer les processus cognitifs qui nécessitent une activité rapide thalamo-corticale comme pendant l’éveil ou le rêve.

Théorie peptidergique du sommeil

Historiquement, cette théorie remonte aux expériences de Piéron (1913). L’injection de liquide céphalo-rachidien d’un chien privé de sommeil pendant quarante-huit heures dans le système ventriculaire d’un chien normal provoque un sommeil profond chez le receveur. Ainsi naquit l’hypothèse que, pendant un éveil prolongé (ou la privation de sommeil), devrait s’accumuler un «facteur hypnogène» qui soit responsable du sommeil. Un premier facteur hypnogène, le delta sleep inducing peptide (D.S.I.P.) fut isolé chez le lapin. Depuis cette époque, la liste des peptides hypnogènes s’est allongée (tabl. 2). Une théorie récente fait jouer un rôle important aux prostaglandines (PG), la PGD2 étant responsable du sommeil et la PGE2 responsable de l’éveil. Il est évident que le sommeil est soumis à des régulations homéostasiques multiples et que, dans certaines infections, par exemple, les cytokines peuvent entraîner une augmentation du sommeil, et ainsi contribuer à augmenter les défenses immunitaires, mais il n’existe aucune preuve que l’absence d’un peptide (par blocage de sa synthèse) entraîne une insomnie prolongée. Il semble que le GABA puisse constituer un neuromodulateur hypnogène fort convenable. Le problème est d’isoler un phénotype particulier des sous-unités de récepteurs GABA A aux endroits stratégiques des réseaux de l’éveil. On sait d’ailleurs que les benzodiazépines agissent par l’intermédiaire de récepteurs voisins des récepteurs GABA. Cependant, la cascade des événements qui conduisent de l’éveil au sommeil est tellement complexe qu’il est vain d’espérer isoler un jour une substance qui soit nécessaire et suffisante pour provoquer le sommeil. Ainsi, des molécules hypnogènes peuvent fort bien agir en diminuant l’activité des récepteurs aux acides aminés excitateurs ou en régulant l’activité des récepteurs GABAceptifs.

5. Structures et mécanismes du sommeil paradoxal

L’intérêt porté au phénomène du rêve en neurophysiologie remonte aux années 1960. Pendant longtemps, le rêve fut tenu pour une activité permanente de l’esprit restant éveillé, alors que le corps se repose dans le sommeil. Les expériences de A. Maury (1878) démontrèrent qu’il n’était pas un phénomène continu au cours du sommeil; en effet, le réveil ne s’accompagne que rarement de souvenir de rêve. Pour Maury, le rêve était considéré comme un phénomène épisodique, induit par des stimulations internes ou externes, un état de demi-éveil intermédiaire entre le sommeil profond et l’éveil. Les découvertes de l’école de Chicago (Dement et Kleitman), en révélant l’existence de mouvements oculaires périodiques au cours du sommeil, permirent un abord objectif de l’activité onirique, mais ne changèrent pas radicalement cette conception. Le rêve restait assimilé à un demi-sommeil intermédiaire entre le sommeil profond et l’éveil, d’où la dénomination: emergent stage one (fig. 9). On tend à penser actuellement que l’activité onirique correspond, au contraire, à un état du système nerveux central aussi différent du sommeil que celui-ci diffère de l’éveil.

La mise en évidence des structures responsables du sommeil paradoxal fut facilitée par l’existence de signes comportementaux et centraux pathognomoniques de cet état: en particulier, l’association d’une atonie totale des muscles de la nuque, de mouvements oculaires et de pointes P.G.O. Des expériences de section étagée du tronc cérébral établirent d’abord que la formation réticulée pontique était suffisante et nécessaire à l’apparition du sommeil paradoxal: le pont est en effet suffisant puisque l’ablation de toutes les structures cérébrales situées en avant du pont, y compris l’hypothalamus et l’hypophyse, laisse persister, chez l’animal pontique chronique, l’apparition périodique de phases de sommeil paradoxal caractérisées par l’abolition totale du tonus des muscles de la nuque et par l’existence de mouvements oculaires latéraux. En revanche, après une section située en arrière du pont, on n’observe plus l’apparition de période d’atonie périodique. Ainsi, les deux tiers antérieurs du pont semblent contenir les structures déclenchantes du sommeil paradoxal. La formation réticulée pontique est également nécessaire à l’apparition du sommeil paradoxal, puisque des lésions bilatérales et symétriques de la partie dorso-latérale du pont peuvent supprimer sélectivement et définitivement le sommeil paradoxal sans entraîner de troubles notables du sommeil lent.

Une fois de plus, c’est l’association de la neuropharmacologie et de l’histochimie qui permit de délimiter de façon précise les «réseaux exécutifs» qui sont mis en jeu au cours du sommeil paradoxal (fig. 10).

Le réseau exécutif du sommeil paradoxal

Pour chacun des paramètres du sommeil paradoxal, les neurones responsables ont été identifiés car leur décharge unitaire est spécifique du sommeil paradoxal (neurones S.P.-O.N.), alors qu’ils sont silencieux pendant l’éveil ou le sommeil lent.

L’atonie musculaire est la conséquence de l’activation de deux groupes de neurones, la région du locus coeruleus 見 et péri- 見, et le groupe réticulé bulbaire magnocellulaire (M.C.). Projetant sur les motoneurones spinaux, ils libèrent de la glycine (Gly) qui les hyperpolarise (inhibition). Ces neurones du locus coeruleus 見 possèdent des récepteurs cholinergiques. L’injection à cet endroit de carbachol, analogue cholinergique, déclenche l’atonie posturale et le sommeil paradoxal avec une latence très courte. Les neurones du noyau magnocellulaire bulbaire reçoivent des afférences à glutamate (Glu) venant du groupe du locus coeruleus . Ainsi, l’injection locale de Glu déclenche l’atonie posturale. Ces neurones ne contiennent pas d’acétylcholine et n’ont pas de récepteurs cholinergiques.

La lésion de ces neurones peut avoir des conséquences fonctionnelles: l’éveil et le sommeil lent ne sont pas modifiés. Le sommeil paradoxal survient avec toutes ses caractéristiques, excepté l’atonie musculaire. L’animal n’étant plus paralysé, il redresse la tête, se lève et accomplit un certain nombre de comportements caractéristiques de l’espèce (affût, attaque, toilette, jeu). La durée (5-6 min) de ces périodes «oniriques» (par analogie au rêve humain) est identique à celles des phases de sommeil paradoxal observées avant la lésion. Le comportement onirique a été découvert récemment chez l’homme (surtout chez des sujets masculins de 50 à 60 ans). Il se traduit souvent par une agressivité, si bien que le rêveur attaque sa compagne de lit. Réveillé, il raconte un rêve de lutte contre un animal (ours-lion). Des examens par imagerie à résonance nucléaire (I.R.M.) révèlent souvent des lésions qui sont similaires à celles qui sont réalisées chez l’animal.

Les pointes P.G.O. prennent leur origine au niveau du tegmentum pontique: noyau latéro-dorsal du tegmentum, partie rostrale du locus coeruleus et région péribrachiale. Ces neurones P.G.O.-O.N. présentent une décharge unitaire en bouffées, juste avant et pendant l’activité P.G.O. Ils envoient des projections vers le thalamus (corps genouillé externe, pulvinar et noyau controlatéral) qui sert de relais pour l’activité P.G.O. corticale.

Les neurones P.G.O.-O.N. sont cholinergiques et agissent sur des récepteurs nicotiniques thalamiques. Ces neurones reçoivent des afférences excitatrices (Glu?) et des afférences inhibitrices aminergiques (NA, 5HT). La stimulation électrique ou pharmacologique des neurones P.G.O.-O.N. déclenche l’activité P.G.O., tandis que leur lésion la supprime.

Les mouvements des yeux et de la face sont généralement synchrones des pointes P.G.O. Cependant, aucune connexion anatomique n’a été mise en évidence entre les neurones P.G.O.-O.N. et les noyaux des nerfs crâniens. Ces structures reçoivent des afférences (Glu?) du noyau réticulé pontique caudal qui serait ainsi le générateur des activités phasiques du sommeil paradoxal.

L’activation corticale du sommeil paradoxal dépend principalement de deux structures: le tegmentum péribrachial pontique et le noyau magnocellulaire bulbaire. Ces structures contiennent deux populations de neurones: le type I, cholinergique, actif pendant l’éveil et le sommeil paradoxal, et le type II, non cholinergique, uniquement actif pendant le sommeil paradoxal. Ces neurones se projettent de manière diffuse sur le thalamus et l’hypothalamus postérieur, qui sont un relais vers le cortex. Il existe également une activité corticale rapide, à 40 hertz, pendant le rêve, et, pour certains, cette activité à 40 hertz serait à la fois le témoin (sinon la cause) de la conscience de l’éveil et de la «conscience onirique».

6. État actuel des connaissances sur la régulation du cycle éveil-sommeil-rêve

Les structures temporelles du cycle éveil-sommeil-rêve

Répartition circadienne . L’homme est éveillé le jour et dort la nuit. C’est l’inverse pour le rat. Placé dans l’obscurité ou la lumière continue, en l’absence de tout repère temporel, un homme isolé dans une grotte ou un bunker va s’endormir chaque soir à peu près à la même heure. Il existe donc une horloge endogène responsable de l’homéostasie prédictive qui est capable de mesurer à peu près un jour (circa -dies ). Cette répartition circadienne du cycle veille-sommeil est sous la dépendance des noyaux suprachiasmatiques. Ces noyaux, pairs et symétriques, reçoivent des informations lumineuses de la rétine. Seulement 0,1 p. 100 des cellules de la rétine sont sensibles à un éclairage de l’ordre de 1 000 à 2 000 lux et envoient des informations au noyau suprachiasmatique. Celui-ci, à son tour, peut agir sur notre cerveau par l’intermédiaire du «système photique», soit par des voies nerveuses, soit par voie humorale. Le noyau suprachiasmatique peut en effet libérer certains peptides dans le liquide céphalo-rachidien, comme l’arginine vaso-pressine pendant le jour (et donc l’éveil) et du vaso-active intestinal peptide (V.I.P.) pendant la nuit. Ces peptides peuvent faciliter les processus d’éveil et d’endormissement. L’horloge circadienne agit aussi sur la température centrale. Il est possible qu’il existe d’autres horloges circadiennes dans l’organisme. Il convient de noter également que les noyaux suprachiasmatiques sont innervés par le système du raphé et que la sérotonine semble indispensable à la synthèse du V.I.P. Ainsi, la région préoptique et les noyaux suprachiasmatiques voisins sont responsables des régulations homéostasiques réactives et prédictives (circadiennes) du cycle veille-sommeil.

Répartition ultradienne du sommeil paradoxal . Le rythme ultradien du sommeil paradoxal (c’est-à-dire l’intervalle qui sépare le début d’une période de sommeil paradoxal jusqu’au début de la suivante) est relativement fixe chez l’homme (90 min). Ce rythme est fonction de la taille de l’animal (10 min chez la souris, 24 min chez le chat, 60 min chez le chimpanzé, 120 min chez l’éléphant). Il est donc également fonction du métabolisme, et c’est sans doute à ce niveau qu’il faut chercher l’explication du fonctionnement du pacemaker. Il semble donc utile de rappeler ici quelques éléments concernant les données énergétiques du cycle veille-sommeil. Celles-ci ont été apportées soit chez l’animal par la méthode du C14 déoxyglucose, soit chez l’homme par la caméra à positons ou l’imagerie à résonance magnétique fonctionnelle. Rappelons d’abord que le cerveau utilise presque essentiellement le glucose pour son énergie. Ce glucose est transporté dans les cellules gliales, où il va être transformé en pyruvate, qui constitue l’essentiel donneur d’énergie des cellules nerveuses. Au cours de l’éveil, la consommation de glucose augmente au niveau des aires corticales visuelles ou auditives dans le cas d’attention visuelle ou auditive. Cependant, l’oxygène n’augmente pas de façon parallèle, si bien qu’il existe un découplage entre l’augmentation du glucose et de l’oxygène. Dans ce cas, l’énergie est donc orientée vers la voie anaérobie, et il y a production de lactate grâce à une enzyme, la lactate déshydrogénase. Au cours du sommeil, il y a diminution progressive de la consommation de glucose et d’oxygène, et, surtout, les réserves d’énergie vont s’effectuer au niveau de la glie (les astrocytes) sous forme de glycogène.

Le sommeil paradoxal va, à son tour, consommer les réserves énergétiques, au moins autant que l’éveil. On suppose actuellement que l’utilisation du glucose se fait sans découplage par la voie aérobie du cycle de Krebs (phosphorylation oxydative). Dans ce cas, la pyruvate déshydrogénase jouerait un rôle clé, car cette enzyme peut être activée et désactivée périodiquement. Le sommeil paradoxal est en effet supprimé dès qu’il y a diminution de l’apport d’oxygène. On peut ainsi provoquer une anoxie relative en mettant un animal dans un caisson hypobare. La diminution d’oxygène provoque une suppression du sommeil paradoxal et une augmentation «homéostasique» du sommeil à ondes lentes. Bien entendu, si la diminution d’oxygène augmente, il y a augmentation de l’éveil.

Les phénomènes énergétiques du cycle veille-sommeil (où la glie et, en particulier, les astrocytes jouent un rôle important) commencent seulement à être étudiés. Il est intéressant de remarquer que la plupart des neurones des systèmes d’éveil sont riches en lactate déshydrogénase, alors que les systèmes responsables du sommeil paradoxal sont particulièrement riches en pyruvate déshydrogénase. Des recherches vont de plus en plus explorer les relations entre les neurotransmetteurs, la neuroglie et les processus énergétiques au fur et à mesure du développement des nouvelles méthodes d’investigation, comme l’imagerie à résonance magnétique fonctionnelle et les capteurs à fibres optiques utilisant des lasers.

Les fonctions du sommeil et du rêve

Les régulations homéostasiques prédictives et réactives que nous avons résumées permettent de comprendre que le sommeil des Mammifères (celui de l’homme en particulier) dépend de nombreux mécanismes acquis successivement au cours de l’évolution.

L’horloge circadienne endogène semble être apparue au début de la vie, il y a 3 milliards d’années, chez des organismes primitifs (Euglena , algues bleues). Il existe une organisation circadienne en libre cours de l’activité et du repos chez les Insectes. Il semble également qu’une certaine homéostasie réactive existe chez les scorpions ou les blattes puisque, si on empêche leur repos (en les agitant continuellement), la période de repos compensatoire sera plus longue. Il est évident également que les fonctions du sommeil sont adaptées selon la niche écologique des différentes espèces animales. Quatre principales théories, non obligatoirement contradictoires, essayent d’expliquer les fonctions du sommeil (en particulier du sommeil orthodoxe ou sommeil à ondes lentes).

Théorie éthologique ou instinctive : le sommeil est une réponse innée comportementale adaptative. Lorsqu’un animal a accompli les tâches indispensables à sa survie et à celle de l’espèce, il peut passer son temps dans un endroit caché et perdre conscience de l’environnement.

Théorie restauratrice : comme la faim et la soif, la fatigue mentale et physique entraîne une réponse homéostasique destinée à restaurer un équilibre dans le système nerveux central. Alors que l’éveil est ergotrope, le sommeil est trophotrope selon l’expression de Hess. Il reste cependant à démontrer à quel niveau du système nerveux central s’effectue cette restauration. Il est possible que la libération de certains acides aminés excitateurs au cours de l’éveil rende nécessaire le recyclage du glutamate par la glie, mais aucune expérience probante n’est venue confirmer cette théorie qui remonte à Aristote et à Shakespeare.

Théorie protectrice : elle représente l’autre aspect de la théorie restauratrice. Nous dormons pour protéger l’organisme des inconvénients de l’éveil prolongé (Piéron, Pavlov).

Conservation de l’énergie : nous avons vu que le sommeil à ondes lentes s’accompagnait d’une diminution de la consommation de glucose et d’oxygène, aussi bien au niveau cérébral qu’au niveau de l’organisme (métabolisme de base). Ainsi, le sommeil permettrait d’économiser de l’énergie. S’il a existé des animaux perpétuellement éveillés, ils auraient eu besoin de consommer plus de nourriture que ceux qui pouvaient dormir (ou hiberner), et la sélection darwinienne n’aurait conservé que les dormeurs, pour des raisons malthusiennes.

Cette hypothèse se heurte à des résultats expérimentaux paradoxaux. En effet, les animaux qui hibernent peuvent conserver une température centrale de 1 0C ou 2 0C pendant plusieurs semaines (au cours desquelles la consommation d’énergie du cerveau et de l’organisme est réduite au minimum).

Périodiquement, l’hibernation est interrompue par des épisodes de «réveil» au cours desquels la température remonte à 38 0C: lorsque l’animal a atteint cette température, il s’endort, et l’analyse de fréquence de son sommeil révèle une augmentation importante des ondes lentes (similaire à celle que l’on obtiendrait après une privation de sommeil prolongé dans des conditions de température normale, lors de la régulation homéostasique réactive). Étant donné l’absence totale de dépense d’énergie qui précède l’augmentation du sommeil, on comprend mal comment ce sommeil de récupération aurait une fonction de conservation d’énergie. Il est cependant possible que l’augmentation de la puissance des ondes lentes au cours du sommeil posthibernatoire soit la traduction de phénomènes de régulations au niveau des membranes synaptiques dont les processus de transfert ioniques passent rapidement de 1 0C à 37 0C.

Les fonctions du sommeil paradoxal

Apparu tardivement au cours de l’évolution avec l’homéothermie, il semble évident que le sommeil paradoxal effectue d’autres fonctions que celle du sommeil lent (ou parachève celles-ci).

Les théories psychodynamiques considèrent le sommeil paradoxal (ou le rêve) selon la théorie freudienne. Le rêve serait l’expression d’une «libération des pulsions instinctives» bloquées normalement par le préconscient, en même temps qu’il serait le gardien du sommeil.

Selon d’autres théories, le sommeil paradoxal jouerait un rôle important soit dans la mémorisation, soit dans l’oubli.

Il pourrait, en outre, par un processus de «stimulation endogène» du cerveau, jouer un rôle dans le développement du cortex au cours des premières années de la vie.

Un rôle de programmation a été suggéré dans le sens de la programmation d’un ordinateur pour consolider et vider certaines mémoires.

Enfin, le sommeil paradoxal a été comparé à un processus de programmation itérative destiné à maintenir les bases génétiques de la personnalité (l’hérédité psychologique) [voir le détail in Jouvet, 1992).

Cette brève revue de la diversité et des contradictions entre les fonctions éventuelles du sommeil et du rêve illustre bien la place à part occupée par l’hypno-onirologie au sein de la physiologie. En effet, pour la grande majorité des physiologistes qui étudient la régulation de la prise alimentaire, l’homéostasie liquidienne de l’organisme, les comportements sexuels, la vision, la motricité ou même la mémoire, le problème de la fonction est implicitement résolu. La fonction devient alors une variable dépendante qui permet d’analyser les mécanismes. Mais le neurophysiologiste qui étudie le sommeil ou le rêve ne possède ni cause ni fonction. Par exemple, les paramètres concernant le sommeil paradoxal (durée, périodicité ultradienne) sont des quantités aussi étranges que des nombres irrationnels. La fréquence respiratoire a une signification pour l’organisme que connaît le physiologiste. La durée du rêve n’en a encore aucune. Rarement dans l’histoire de la physiologie il y aura existé un tel contraste entre l’importance des données acquises concernant les mécanismes du sommeil et des rêves (le comment) et l’ignorance quasi totale de leurs fonctions (le pourquoi).

Encyclopédie Universelle. 2012.

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